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vendredi 5 mars 2010

La Brosse et Dupont: La fin. ( Suite).

         L’industrie de la brosserie n’a pris naissance en France qu’au début du 19 ème siècle. Représentée alors par quelques spécialistes à Beauvais et à Andeville, c’est en 1845 sous l’impulsion d’un homme, Alphonse Dupont à Beauvais que se créa la première vraie manufacture. Les ouvriers étaient attirés à la suite de l’industrialisation d’une activité traditionnelle de l’Oise, les grosses étoffes. 300 employées à domicile s’y ajoutaient.
        Dès lors la brosserie fine envahit la vallée du Thérain. (Hermes, Mouy, Noailles, Cauvigny) et dans le Valois avec Béthisy, Saint Sauveur et Crépy.
        En 1900 l’industrie brossière en France comprenait 220 établissements employant 20 000 ouvriers. Déjà à cette époque les brosses fabriquées à Beauvais étaient exportées dans le monde entier.L’une des plus anciennes l’entreprise Massé de Therdonne fournissait la cour du tsar.
       A Beauvais 2144 modèles de brosses a dents en os sont produits.Ainsi que 353 en buffle et corne, et 450 en ivoire. La France et l’Angleterre se partageaient le marché mondial.
       Mais à la fin de la première guerre mondiale l’Allemagne livre à tous les pays industrialisés du monde des machines qui permettent de se dispenser d’une main d’œuvre ultra spécialisée. Les brossiers français donc à majorité oisiens sont privés des ventes à l’export. Vers 1920 certains artisans faute de produire suffisamment sont absorbés par des sociétés plus importantes. Ils contribuent ainsi au maintien de la qualité de production française car ils apportent à la grande entreprise la haute qualification d’un artisanat formé de génération au travail minutieux des os, de l’écaille et des bois précieux qui furent pendant des années les matières de base de la brosserie fine.
       Dans les années 20, l’Allemagne et la Belgique progressant encore très vite mettent au point des machines capables d’assurer des productions de masse.
        En 1923 La Brosse acquiert sa première machine automatique pour monter les brosses à dents, Jobst de marque américaine.
        En 1932 la fusion de la société La Brosse avec la société Jean Dupont et Cie redonne un nouvel essor à la brosserie française.
       A Beauvais avec 25 000 mètres carrés sur un terrain de 11 hectares l’usine est la plus importante d’Europe.
        Entre 1930 et 1937 on assiste à une totale reconversion du marché français née de la concurrence japonaise et de la volonté des fabricants de se grouper. En 1937 on ne compte plus qu’une soixantaine de firmes dans l’Oise ou travaillent environ 7 000 personnes.
        En 1938 apparaissent les machines de montage de brosses à dents dites « MP « de conception LBD.La première sera exposée à l’exposition universelle de Paris.
       En effet,quelques années auparavant , voulant se démarquer des constructeurs allemands, belges ou américains qui avaient l’emprise totale sur ce type de matériel, un ingénieur M. Dangin travailla sur une conception de montage à agrafes comme Jobst mais équipé d’un tourniquet de 6 porte ouvrages. Offrant ainsi l’avantage par rapport à l’existant de supprimer la plupart des effets d’ergonomie liés au porte ouvrage unique.Et 1962, sera inventée par les techniciens beauvaisiens une machine transfert (Groupe C) capable de monter en 4 rangs complets les 44 pions à la cadence de 72 coups à la minute.Soit au maximum donc 4320 brosses à dents à l’heure.Ce monstre de 11 mètres sera la machine la plus rapide du monde.Elle sera suivie vers 1970 d’une deuxième réalisation.
      Puis 1985 verra l’apparition de chaînes dites »intégrées » qui absorbent quatre fois moins de personnels sur les outils de production.Ainsi le moulage,le montage et le conditionnement s’exécutent sans stockages intermédiaires.La robotique générant automatiquement les multiples reprises de pièces induites par le manuel.En l’an 2000 c’est ainsi une dizaine de ces chaînes autonomes qui seront actives.Le procédé de scellage par ultra son ou haute fréquence des PVC pour le conditionnement accélérera également la productivité.La création de manches bi-matières apportera un surcroît au fonctionnel et au design.Mais en 1999 Unilever ( Gibbs,Sanogyl) qui a représenté jusqu’à 80% de la production beauvaisienne décide de nous lâcher alléché par la concurrence chinoise.C’est l’arrêt de mort qui est signé sur l’autel du profit facile.C’est aussi des investissements colossaux envoyés au ruisseau.Le niveau de rentabilité se situant aux alentours de 50 millions de brosses annuelles, le déclin était incontournable. Grâce a la conception de la brosse à dents à têtes interchangeables LBD décrochera pourtant de gros marchés notamment sur les USA ( Butler ) et au Japon.La Corée du Sud elle est captée par une brosse translucide à l’aspect du verre.Mais c’est le dernier soubresaut de la bête blessée.Les distributeurs ( Auchan ,Leclercq,Intermarché,Casino ) regardent eux aussi vers l’Asie.La Brosse et Dupont qui a été longtemps 1er producteur européen, est radiée pour toujours par un capitalisme et une mondialisation ou seuls les gros et rapides profits sont désormais admis.Sa marque Bioseptyl active sur le seul marché français ne pouvant combler ces pertes de marché .En 1998 le site sera entièrement rénové ou modernisé pour répondre aux normes Iso 9002.Le parc outils industriels est composé alors de 85 presses à injecter , et de 50 machines de montage et de conditionnement.
       1845 puis fin en 2005…Ainsi 160 années de créativité et de labeur vitriolées.Dans cet article ( compressé par rapport à l'original ) je fais référence à la brosse à dents mais on appliquera la même punition en ce qui concernent les pinceaux professionnels ou d’artistes, les rouleaux, les brosses à habits, les balais, les pelles, les brosses à laver, les lingettes, les bacs à peinture, les accessoires divers de toilettes, de modes ou d’hygiène, les brosses de ménages…etc.…Tout un savoir faire réduit à néant…sans espoir de retour…Et il savoir que la productivité française est l’une des toutes premières au Monde !
      Bref l’anéantissement de la brosserie française…Un désastre à la hauteur de ce que est devenue l’industrie de la France sans que personne parmi les décideurs politico financiers n’y voient une récession que l’on va payer cher,très cher.Un pays sans industries est un pays condamné à faire de la figuration sur la plan international et qui devra compter sur les autres pour subsister.La dépendance industrielle étant le pire ennemi d’une nation forte.L’Allemagne n’a pas commis la même erreur.On l’avait déjà avec les énergies fossiles. Bien triste et dommageable pour la France qui dominait le monde économique avec l’Angleterre il y a de cela …150 ans…
     Et tout un "savoir faire" réduit à néant…sans espoir de retour…

Brefs extraits de : « La Brosse et Dupont à Beauvais - 160 ans d’histoire ».
Publiés en 2005. Auteur JMP.
Amis,anciens de LBD,n'hésitez pas à apporter vos témoignages sur ce blog.
Notre ancienne Société mérite considérations sans tomber dans le catastrophisme.
Mais c'est une grande Entreprise vénérable qui vient de s'éteindre comme tant d'autres.